La fffFrancophonie

On pourrait croire que c’est le fait de parler français ; le francophone est celui qui peut jalouser la fortune de son tailleur en français comme le germanophone est susceptible de lire Schopenhauer dans le texte (les manuels de langue ne sont pas tous égaux). Mais définir ainsi simplement la francophonie, ce serait la réduire à une définition du XIXème siècle ; la francophonie aujourd’hui c’est bien davantage qu’un phénomène linguistique.

La France s’est vraisemblablement sentie à l’étroit après la période de décolonisation. On a eu beau s’y féliciter d’avoir conservé des territoires d’outre-mer, et de pouvoir compter des archipels éparpillés en divers océans, Wallis et Futuna, la Polynésie, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon et quelques rochers inhabités de l’Océan Indien et du Pacifique furent de trop tristes confettis pour faire oublier tout à fait le déclin de l’Empire. La géométrie a tenté de venir au secours du glorieux territoire en déliquescence en substituant dans les années 1960, un concept solide à l’inquiétante image d’une peau de chagrin, mais là encore, et malgré la majuscule, ce ne fut qu’une piètre consolation.

Heureusement, dans les années 1970, on a inventé –roulez tambours !–  la fffFrancophonie !

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Pascal Monin ou les délires de la francophonie

Je lis : Le Liban […] cette terre de brassage et d’interaction. […]Toute l’histoire de ce pays au confluent des civilisations est placée sous le signe du dialogue des cultures. […] le pays du Cèdre a porté à l’Occident la sensibilité et la spiritualité orientale et a transmis à l’Orient arabe les hautes valeurs de la civilisation occidentale. […]Quel formidable exemple de tolérance et d’ouverture face aux idéologies qui s’estompent, aux intégrismes qui guettent et à la vision simpliste d’un monde unilatéral. […]Le Liban regroupe l’un des plus vastes réseaux d’institutions d’enseignement francophone au monde… […]  la langue française est aussi une langue d’action, de construction et d’aspiration au progrès humain. C’est la langue de la création, de l’esprit, du dialogue, de la paix et de la tolérance. […] La culture francophone est un rempart contre les excès de la mondialisation, cette nouvelle forme d’hégémonie. Elle est la garantie de la rendre plus humaine et accessible. […]Chaque francophone libanais est, peu ou prou, la pointe d’un triangle dont les sommets de la base sont la France et le Liban, où qu’il soit. […]Cette appartenance culturelle, cette francophonie muette n’est pas rampante, elle est l’armature invisible la plus solide sur laquelle se déploient les autres aspects de la présence culturelle française.

Ces inepties, tirées de l’article intitulé, « le miracle de la langue française » sont le produit de la réflexion fossilisée d’un certain M. Monin. Monsieur Pascal Monin est professeur et directeur du Master information et communication de l’USJ de Beyrouth et membre du Comité scientifique du réseau d’Observation du français et des langues nationales dans le monde de l’AUF. Plus proche d’un pet de moustique que d’une biscotte littéraire ce texte est archétypale de cette forme d’autisme à échelle communautaire (entendu la communauté francophone) qui contamine depuis plus d’un siècle certains vibrions à la frontière de l’analphabétisme, mais qui, par un curieux phénomène de relations publiques sont érigés en ambassadeurs de la francophonie libanaise.
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La censure de l’Orient Littéraire

Quelle bonne occasion de reprendre l’écriture sur ce site trop longtemps resté négligé. Bonne occasion, dans le sens de « fortunée », vu qu’elle me permet de répéter ce que j’ai essayé de faire quand j’ai proposé cette initiative de misère et qui était de dénoncer comment sous couvert de slogan humaniste, d’impératif de liberté d’expression se cache la tyrannie d’une morale supposée supérieure et incroyablement intolérante à toute autre expression socio-culturelle.

L’Orient-Le-Jour publie chaque mois son spécial « Orient littéraire , un mélange d’interviews d’écrivains étrangers pour la plupart (ou libanais résidant à l’étranger) partageant leurs pensées sur des thèmes variés comme la pluie, le soleil, et l’élevage d’escargots. En fait, le thème « littéraire » qu’on nous sert à toutes les sauces, c’est celui de « l’exil ». On aura l’occasion de reparler de tout ça. Cette fois-ci, on cherche quand même à faire sursauter l’esprit militant qui veille dans la tête de chaque libanais. Le thème central travaillé pour le numéro du 4 février 2010 est celui de « la censure », un sujet qui hante les nuits des journalistes de l’Orient-Le-Jour, grands activistes internationaux.

Dans ce spécial volet « culturel »: lieu de débat des « grandes idées littéraires », Mazen Kerbaj, un dessinateur, s’est vu refuser la bande dessinée qu’il a l’habitude de proposer. Refuser, censurer, interdire, écarter? Quoi? Et dans un volet qui se propose de dénoncer la censure dans « le pays »? Le dessin de Kerbaj représente une conversation à Beyrouth entre deux femmes d’un certain âge qui discutent de leur femme de ménage. L’une raconte à l’autre que « sa fille » qu’elle croyait être une Philippine s’avère être en fait éthiopienne, et que d’après cette découverte, elle devrait rajuster son salaire.


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