« Cohérent avec ses options de base » : René Naba (3ème partie)

Suite et fin de l’entretien avec René Naba – enregistré à Paris le 18 septembre 2010. La première partie consacrée à son itinéraire se trouve ici, et la deuxième qui aborde la problématique de la francophonie . Nous vous invitons à mettre en perspective cette conversation avec les articles eux-mêmes de René Naba sur son site Actualité et Flashback, les derniers textes publiés sont les suivants: * Requiem pour l’ingérence humanitaire diplomatique * Agenda diplomatique 2010 * Christian Blanc et la Middle-East Airlines : un cigare fatal à son destin * Hommage à Edmond Amran el Maleh et Abraham Serfati, l’honneur du judaïsme marocain

Bonne lecture.

IIIe partie – Questionnaire de Proust

«Quand on travaille pour plaire aux autres on peut ne pas réussir, mais les choses qu’on a faites pour se contenter soi-même ont toujours une chance d’intéresser quelqu’un

Marcel Proust, Pastiches et Mélanges (Paris, NRF, 1919)

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« Cohérent avec ses options de base » : René Naba (2ème partie)

La semaine dernière, nous avons publié la première partie d’un entretien avec le journaliste René Naba – enregistré à Paris le 18 septembre – voici le deuxième volet de cette conversation qui aborde, entre autres thèmes, plus directement celui de la francophonie : splendeurs, misères et illusions perdues ! Bonne lecture.

IIe partie : Francophonie

Est-ce que l’expression « Misères francophones » fait sens pour vous, et si oui, pouvez-vous nous donner des exemples concrets de cette misère ?

Qu’on ne s’imagine pas que la langue française est une langue universelle ; elle l’était. Mais aujourd’hui, dans le classement linguistique des locuteurs, la France arrive en 12ème position. Il y a 400 millions de locuteurs arabes, et 120 millions de francophones. Les principaux gisements de la francophonie au XXIème siècle, c’est l’Algérie, le Maroc et le Sénégal, c’est-à-dire les pays de destination des charters de la honte. Ce qui devrait être la source de pérennité du rayonnement culturel fait l’objet de stigmatisations, et ça c’est une misère morale francophone.

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« Cohérent avec ses options de base » : René Naba (1ère partie)

« Les esprits valent ce qu’ils exigent » écrivait Paul Valéry. Le journaliste René Naba incarne précisément ce genre d’esprit qui vaut par ses exigences. De notre conversation avec lui, se dégagent en définitive peu de principes. Ceux-là suffisent pourtant à jeter les bases d’une éthique qui, par-delà le seul professionnalisme ou la façon d’aborder l’actualité, reflète surtout une intelligence de l’histoire et la volonté persistante de ne pas se laisser corrompre – ni par les intérêts ni par les préjugés. Nous laisserons le lecteur juge de la simplicité, de la rigueur et du caractère concret de ces principes qui contrastent avec le bavardage, les délires pseudo-théoriques et autres circonvolutions verbeuses des journalistes qui prétendent éteindre un feu qu’ils allument : pompiers pyromanes au service d’une idéologie dominante peureuse, bercée d’illusions bien arrangeantes, de références mal digérées et de mythes idiots (au sens étymologique du mot : c’est-à-dire « particuliers ») auxquels ils n’hésitent jamais à sacrifier le sens commun. René Naba en est le contre-exemple.

L’entretien se décline sous trois parties : Itinéraire / Francophonie / « Supplément littéraire » des Misères francophones

Il a été enregistré à Paris le 18 septembre 2010, et retranscrit par Croissant.

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Le mot et la chose

Cet article est publié avec l’aimable autorisation de l’auteur.

Titre original :

Le Bougnoule, sa signification étymologique, son évolution sémantique, sa portée symbolique

Nous vous invitons à consulter les autres articles de René Naba sur son site ici.

L’auteur part d’un signifiant raciste pour développer avec clarté et érudition une analyse critique où l’étude sémantique, mise en perspective avec l’histoire, révèle certaines contradictions de la « Patrie des Droits de l’Homme ». Il semble qu’à l’épreuve des faits, la vocation universelle des principes généreux ait souvent failli – notamment à l’époque coloniale – et que les Lumières ne se soient allumées que par intermittence ou pour éclairer une domination, au mépris du droit – pourtant revendiqué – des peuples à disposer d’eux-mêmes.

 

Le contexte historique

A l’assaut des tranchées adverses, ployant sous un déluge d’obus, suffoquant sous l’effet des gaz mortels sur les champs de bataille brumeux et venteux du Nord-est de la France, sous la glaciation hivernale des nuits noires de novembre, à des milliers de kilomètres de leur tropique natal, les grandes rasades d’alcool galvanisaient leurs ardeurs combatives à défaut d’exalter leur patriotisme.

En ces temps là, « la chair à canon » carburait à la gnôle. Par un subterfuge dont la raison détient seule le secret, qui n’en révèle pas moins les présupposés d’un peuple, les ressorts psychologiques d’une nation et la complexion mentale de ses dirigeants, la revendication ultime préludant au sacrifice suprême -« Aboul Gnoul », apporte l’alcool- finira par constituer, par un dévoiement de la pensée, la marque d’une stigmatisation absolue de ceux qui auront massivement contribué, à deux reprises, au péril de leur vie, à vaincre, paradoxalement, les oppresseurs de leurs propres oppresseurs.

« Bougnoule » tire son origine de l’expression argotique de cette supplique ante mortem. Elle finira par confondre dans la même infamie tous les métèques de l’Empire, piétaille de la République, promus au rang de défenseurs occasionnels de la Patrie, défenseurs essentiels d’une patrie qui s’est toujours voulue distincte dans le concert des nations, qui se distinguera souvent d’une façon lumineuse (1), d’une façon hideuse parfois, traînant tel un boulet, Vichy, l’Algérie, la collaboration, la délation, la déportation et la torture, les pages honteuses de son histoire, peinant des décennies durant à expurger son passé, et, pour avoir tardé à purger son passif, en paiera le prix en termes de magistère moral.

Curieux rapport que celui qui lie la France à sa mémoire, étrange rapport que celui qui lie ce pays à lui-même, à la fois « Patrie des lumières et des Droits de l’Homme » et patrie du « Code Noir » de l’esclavage, le code de l’abomination, de la traite de l’Ebène et du mépris de l’Indigène. Etrangement curieux le rapport qui lie ce pays à ses alliés de la période coloniale, les peuples colonisés d’Outre-mer. Par deux fois en un même siècle, phénomène rarissime dans l’histoire, ces soldats de l’avant, les avant-gardes de la mort et de la victoire, goumiers Algériens, spahis Marocains, tirailleurs Tunisiens, Sénégalais et Soudano nigériens, auront été embrigadés dans des conflits qui leur étaient, étymologiquement, totalement étrangers, avant d’être rejetés, dans une sorte de catharsis, dans les ténèbres de l’infériorité, renvoyés à leur condition subalterne, sérieusement réprimés aussitôt leur devoir accompli, comme ce fut le cas d’une manière répétitive pour ne pas être un hasard, à Sétif (Algérie), en 1945, cruellement le jour de la victoire alliée de la seconde Guerre Mondiale, au camp de Thiaroye (Sénégal) en 1946, et, à Madagascar, en 1947, sans doute à titre de rétribution pour leur concours à l’effort de guerre français. Lire la suite